Visions d'éboga (éboga visions) ------------------------------ Suite à une maladie attrapée au Siam il m'est impossible d'expérimenter,hélas,moi-même l'éboga. Je fais,ici,un petit résumé à partir de deux textes qui se trouvent sur le réticule.Je remercie d'avance ceux dont je reprends ces textes avec mes commentaires: Za koulou mbi aou: Viens ouvrir les portes de la mort! La Nouvelle Vie de Oyana Ndoutoumou (traduction libre à partir de Fernandez) Quand Oyana Ndoutoumou décida de devenir membre des bouitis les chefs de la chapelle d'Assoque Eningue lui demandèrent pourquoi elle désirait ce faire? Oyana Ndoutoumou était une villageoise,la soeur d'un homme qui était,depuis longtemps,un "banzié" (ainsi nomme t'on les membres initiés bouitis,banzié signifiant "ceux de la chapelle). Elle répondit qu'elle espérait que le Bouiti lui donnerait l'occasion de se marier à nouveau et d'avoir des enfants. La nuit venue les membres bouitis tinrent un conseil pour savoir si cette femme était une sorcière ou non car une sorcière ne peut pas être initiée. On discuta aussi du fait de savoir si elle était assez forte pour manger l'éboga et voir le Bouiti. Il était rare qu'un banzié mourut,lors de l'initiation,à cause d'une surdose d'éboga. Cependant c'est à cause de ces quelques morts occasionnelles que les Missionnaires et l'Administration s'émurent et tentèrent de réprimer l'éboga(Note du traducteur:Quand les Colonisateurs tuent impitoyablement,tout va bien...quand les Colonisés se tuent,sans faire exprès,rien ne va plus! Incroyable démesure et morgue de tous les envahisseurs!) Vers minuit les membres de la confrérie de l'éboga,si je puis dire,quittèrent le village,pour la forêt,dans une procession de chandelles,à un endroit où se trouvait l'otounga. On retira l'otounga de la terre sans grand problème d'où il fut conclu que Bouiti était en faveur de l'initiation de la jeune femme. Cette nuit là,le nimanacombo,c'est à dire le chef de la chapelle bouitie,mangea une grosse quantité d'éboga afin de parler avec les ancêtres. Les ancêtres lui répondirent qu'ils ne voyaient pas d'objection quant à l'initiation d'Oyana. A l'aube,après l'engosie(c'est à dire la cérémonie rituelle nocturne bouitie),Oyana fut amenée à la chapelle pour l'initiation de l'éboga. Elle avala une première cuillère de poudre d'éboga vers 9 heures du matin. L'apprentie initiée était assise dans la chapelle,près d'un pilier,en face de l'autel. En face d'elle se trouvait une peau de mosingui(c'est la peau d'un félidé que l'on appelle,dans cette ethnie,l'ésinga)sur lequel on avait placé un panier rempli d'éboga. Deux membres de la "confrèrie",un homme et une femme,furent désignés pour être son père et sa mère de l'éboga(éssa éboga,nyia éboga). En l'espace de trois heures Oyana reçut 16 cuillerées de poudre d'éboga! Vers midi on souffla dans la corne d'une antilope afin d'avertir les ancêtres qu'une de leurs descendantes s'apprêtait à les venir visiter en leur monde des esprits. A trois heures de l'après-midi Oyana avait reçu,en tout et pour tout,32 cuillerées de poudre d'éboga. On l'amena alors auprès d'un petit cours d'eau pour l'initiation à proprement parler. Oyana étant une femme plutôt mince je faisais part au kambo(le "superviseur" du rite et directeur de l'initiation)de ma crainte de la voir succomber à une surdose d'éboga. On me répondit,alors,que personne ne pouvait "kou ebbga"(mourir sous la magie de l'éboga)avec moins de 30 cuillerées à café de poudre d'éboga. On ajouta,qu'en fait,il était souvent nécessaire de prendre 60 cuillerées d'éboga avant que l'âme ne puisse se libérer de son corps et voyager vers le Bouiti. "Quand l'âme commence à grossir,on commence alors à sentir sa peau comme si celle-ci était faite d'une chemise de soie,prête à éclater pour libérer l'âme" me dit-on encore. Les "parents" de l'éboga(donc père et mère),de toute façon,prennent grand soin de l'état de l'initiée. Une personne précédait le cortège en jouant du ngombi(une sorte de harpe bouitie à 8 cordes). C'est ainsi que la procession cérémonielle continua sa route. L'initiée était suivie par ses parents de l'éboga et par le directeur de l'initiation accompagné de son assistant. Nous marchâmes dans la forêt jusqu'à une petite éclaircie près du cours d'eau. Oyana,indisposée par tout cet éboga,demanda alors à vomir avant la puriification,chose qui contraria les banziés présents car les doses d'éboga nécessaires afin de rencontrer les ancêtres sont,certainement,choisies avec précision. Après qu'Oyana eut vomi,le directeur de l'initiation trempa un doigt dans le vomis afin de voir si tout allait bien. Après cela Oyana alla dans l'eau et confessa ses péchés à ses parents de l'éboga. Après la purification de la confession vint le tour de la purification par les plantes. Le père de l'éboga rapporta un mélange aromatique de fleurs et de feuilles d'okosacosa(Costus lucanusianus). La mère de l'éboga,elle,rapporta des feuilles,également aromatiques,d'abomenzane(Piper umbellatum),plante de la famille du poivrier. Le père de l'éboga mâcha le "myane" et le recracha sur l'initiée puis il la lava avec l'eau du cours d'eau. Ce rituel est destiné à lui ouvrir les yeux afin qu'elle puisse voir Bouiti. Ensuite la mère de l'éboga frotta Oyana avec son poivrier dont l'odeur attire l'esprit des morts et Bouiti. C'est une odeur qui,dit-on,incite les esprits à avoir pitié et à s'intéresser au sort des initiés. Après cela le père de l'éboga apporta un dernier paquet de poudre qu'il tendit à la mère de l'éboga. Oyana fut mise alors entièrement nue de façon à ce que l'on put la frotter avec cette poudre. Cette poudre rituelle est un mélange de l'écorce de 12 arbres. On nomma alors,l'un après l'autre,les noms de ces arbres et leurs qualités médicinales. "Ce sont des arbres bons et purs,fort bien considérés par les ancêtres". "Souviens-toi que le Bouiti est une religion de l'arbre(nyiba bilé)". Voici le nom des 12 arbres en question: l'Asame(Kapaca guineensis),le palétuvier,l'éyène(Disimananthus benthamianus),l'azape (Mimusops djave),l'ovoung(Guibourtia Tessmannii),l'azème(Psilanthemus manii), le mfole (Enantia chlorantha),l'étengue(Pycnanthus angolensis),l'aseng (Musanga acropioides), l'otounga(Polyalthia suaveolens),le mbèle(Pterocarpus soyauxii),l'asas (Bridelia grandis),et l'adzame ntoma appelé élégalenga(Ocimum americanum,basilic,donc un buisson),basilic que l'on ajoute pour son odeur. Après cela l'initiée s'habilla en robe blanche. Ses parents de l'éboga,maintenant assis dans l'eau de la rivière,les jambes largement ouvertes,l'attendaient. Oyana rampa alors à travers leurs jambes en un symbole rappellant sa naissance bouitique. Le directeur de l'initiation vint à son tour dans l'eau et toucha sa tête avec une fleur en forme de phallus du parasolier. Bien sûr cela souleva quelques blagues malgré le caractère sérieux de l'initiation. Le but de ce rituel est "d'ouvrir" à nouveau a tête de la jeune femme,comme à sa naissance,afin que son âme puisse s'échapper vers le monde des ancêtres. Après cela l'initiateur alla chercher un morceau de moelle de bois et l'enflamma sur une feuille de manioc qu'il placa ensuite,comme un radeau,sur l'eau en la poussant vers les jambes d'Oyana. (Note du traducteur:On retrouve ces coutumes d'objet enflammés flottant sur l'eau dans différentes cultures,ainsi au Japon(pour les morts,je crois? petites barques avec une bougie))et au Siam où il existe un jour(Loille Kratongue)où l'on demande aux rivières de "pardonner" les pollutions de l'homme,en envoyant sur l'eau des centaines de petits radeaux flottants fabriqués avec des feuilles et des fleurs,portant une bougie allumée en leur centre.) Ce bâteau de l'âme,ou "biale nsisime",flotta ensuite au loin et disparut derrière une courbe de la rivière dans son périple vers les ancêtres. Après cela on donna à Oyana encore 7 cuillerées à café d'éboga et l'on retourna à la chapelle. On planta la plante d'otounga,déterrée précédemment,tandis que tous les banziés aidaient,rituellement,à l'ouvrage. L'otounga représente l'échelle qui aide l'initiée dans son excursion au Paradis. Vint ensuite le tour du sacrifice d'un poulet offert à l'otounga. Le but de cette action est d'envoyer le poulet en éclaireur au Paradis annoncer aux ancêtres la venue de l'initiée. Vers neuf heures du soir on fit encore manger de l'éboga à Oyana qui était maintenant comateuse et marmonnait des choses que ses parents de l'éboga écoutaient attentivement. Oyana était donc,maintenant,dans le pays des ancêtres. Le lendemain,seulement,on put connaître le contenu des visions d'Oyana. Elle raconta alors: - J'ai voyagé sur le sentier de la naissance et de la mort et j'ai vu ma grand-mère disparue. Ma grand-mère me fit venir à une croisée de chemins.En ce lieu un chemin rouge croisait un chemin noir. Ensuite elle se retrouve entourée de voix et une des voix lui répéta son nom de banzié:Nanga Misengué. La coutume de la consomation de l'éboga "Eboga" est le nom que donnent les Fangues à l'espèce tabernanthe iboga,apocynacées. Ce nom provient,en fait,du Galoua-Mpongoué. Les propriétés psychotropes de l'éboga ou bois sacré sont connues depuis longtemps et,en particulier,ses effets défatiguants. C'est,peut-être,la raison pour laquelle les autorités coloniales allemandes permettaient aux Noirs qui construisaient des routes et des voies ferrées de consommer l'éboga. (Note du traducteur:je note ici que les Colonisateurs permettent ou interdisent selon leurs besoins...en dehors de toute rationalité!) Cet effet anti-fatigue(note du traducteur,savoir moi-meme:si apprécié par Haroun Tazieff,ancien Ministre!)semble être un des intérets principaux de l'éboga pour les banziés(les initiés,donc). L'éboga est si important dans certaines chapelles que l'on nomme les banziés les nziébogas,c'est à dire les mangeurs d'éboga. Ainsi la façon habituelle de demander à un banzié la raison de son adhérence au culte bouiti est de lui demander,simplement,pourquoi il a voulu manger de l'éboga. L'éboga est un buisson qui ne dépasse guère un mètre de haut.On le trouve,d'habitude,dans les villages bouitis,planté aux côtés des chapelles et de la hutte ancestrale de bienvenue. Il fait des fleurs rosâtres ou verdâtres et produit de petits fruits orangés comestibles. Les légendes bouties disent que l'éboga fut découvert par les pygmées ou les ancêtres. On consomme l'éboga de deux façons: 1.Soit on l'avale,à petites doses,de 2 ou 3 cuillerées,chaque fois,pour les femmes et de 3 à 5 cuillerées pour les hommes,avant et au début de la cérémonie. Tout cela représente de 4 à 20 gr de poudre d'éboga. 2.Soit on le consomme de façon aigue,mais seulement une fois ou deux fois dans la vie d'un banzié. La consomation aigue n'est destinée qu'à l'initiation seule et afin de "casser la tête" (note du traducteur:j'écris souvent que les hommes ont un esprit en béton solidifié et qu'il faut casser ce béton! L'éboga ou d'autres techniques,sans danger,peuvent servir à "casser" cette tête dure de l'homme blanc ou autre attaché à ses certitudes)de l'initié pour qu'il puisse entrer en contact avec ses ancêtres. Quoique que la dose mortelle d'éboga soit fort supérieure à la dose psychotrope,dans les dernières 40 années,une douzaine de candidats à l'initiation sont morts de surdose. Cela a eu comme conséquences des accusations de meurtres contre les initiateurs. Les petites doses(2 à 5 cuillerées)n'induisent pas d'hallucinations et s'utilisent comme défatiguants durant les cérémonies nocturnes. Les banziés disent que l'éboga "allègent" leur corps,ce qui rend les activités cérémoniales plus faciles. Les très fortes doses utilisées durant l'initiation produisent des effets tant psychologiques que physiques. Par exemple,incordination motrice,couleurs d'arc-en-ciel environnant les objets que l'on regarde,sensation de distanciation "objective" de son propre corps. Le sujet se sent "hors" de son corps. Cette sensation est primodiale pour les banziés car elle prouve,alors,que le voyage initiatique a commencé. Toutes les modifications perceptives engendrées par l'éboga ont une explication rituelle,bien sûr. L'état final de l'initiation se caractérise par un état comateux qui indique aux banziés que l'âme de l'initié a bien quitté son corps vers le pays qui se trouve en-delà de la mort. La forêt joue un rôle primordiale dans le rite initiatique bouiti et les visions ibogaïniques confirment le fait que le Bouiti est une religion de la sylve(nyiba yé afane).L'éboga représente la forêt et le pouvoir d'en-delà la forêt. L'identification à la forêt donne aux banziés non seulement une identification en tant que telle mais aussi une maîtrise de la forêt. (Note du traducteur:je rappelle,ici,que les rites dans toutes les cultures sont,justement,destinés,à donner aux hommes le sentiment d'une maîtrise anxiolytique des évènements anxiogènes du Réel. Dans les sociétés déritualisées - les Etats-Unis en sont un bon exemple - l'angoisse du sens de la vie resurgit de façon plus intense pour se cristalliser en nouveaux pseudo-rites divers. Ainsi la croyance en le symbole d'une chose fictive nommée "mondialisation" tient du pseudo-rite. C'est une tentative rituelle de donner un sens à quelque chose qui n'a pas de sens ou,du moins,dont le sens profond est la rapacité humaine! Dans le monde colonial la pression du colonisateur fut de "déforestifier" les Noirs de la forêt,donc de les aliéner à eux-mêmes et à leurs vérités en les "désidentifiant". L'éboga permet donc aux Banziés de résister,psychologiquement,aux voies déstructurantes du Colonisateur qui essaye de les obliger à changer leur mode de vie afin de les exploiter et les soumettre. La voie de l'éboga est donc non seulement un culte à une culture mais une forme de résistance,peut-être comme le vaudou(?),à la colonisation qui brise les passés et les identités.) Les visions de l'éboga Le rêve ne jouait pas un rôle important dans la vie des Fangues avant l'éboga. Par contre durant l'initiation des banziés on "cultive" les visions oniriques induites par l'éboga et les rêves qui surviennent,ensuite,sont étudiés avec soins. Les visions ibogaïniques sont une part importante de la "cassure de la tête"(abouing nlo)et de l'ouverture du banzié aux promesses et réalisations spirituelles de la religion bouitie. Description de quelques expériences visionnaires: 1.Visions de Monsieur Biyongo Ondo(Zambi Evanga),45 ans.Marié à deux femmes. Monsieur Biyongo Ondo travaille dans ses(?)champs de cacao et de café(4 hectares),dans le districte de Mimvoul,chapelle bouitie d'Engoène. Question: -Pourquoi avez-vous voulu être initié à l'éboga? Réponse: - J'habitais à Libreville,auparavant,et j'avais vu beaucoup de Bouitis mais n'avais jamais mangé l'éboga. Quand je revins à Mimvoul,il y a 7 ans,je fus initié à l'éboga. J'étais une personne destinée à devenir riche,selon ce que mon père avait fait pour moi,mais je ne suis pas devenu riche! C'est parce que des sorcriers/sorcières me barraient le chemin de la richesse. Je consultai alors des Banziés qui me dirent de manger l'éboga. En mangeant l'éboga,dirent-ils,je pourrais revoir mon père et lui demander conseil. Voici ce que je vis: -Après avoir mangé l'éboga je vis mon grand frère.Il ne me voyait pas et ne me parlait pas.Ensuite je vis un autre de mes frères,mais celui-ci n'était pas mort. Son corps était sur le sol,à côté de la route. (2 semaines plus tard ce frère mourut!) Cette route menait vers un grand désert sans limites. Là-bas,mon père descendit du ciel,sous la forme d'un oiseau,en disant qu'il m'accompagnerait sur le chemin du retour. En rebroussant chemin,donc,je vis des Chrétiens habillés avec des ceintures d'antilopes. Ils portaient de lourdes croix à leur cou. En retournant mon père me donna un ngombi(la harpe bouitie)et me dit que cellle-ci allait me protéger durant ma vie. 2.Visions de Monsieur Mvé Ndongue(Mvanga Abéna Mocoukou Candja),36 ans. Marié,deux épouses,aucun enfant. Profession:planteur de café,districte de Mitzique,chapelle d'Amvane. Question: -Pourquoi avez-vous voulu être initié à l'éboga? Réponse: Je me suis marié à plusieurs femmes et il ne m'en reste plus que deux,maintenant. Un jour que je dormais je vis ma mère venir,à ma gauche,et mon père,à ma droite. Je travaillais à Libreville à l'époque. Papa et Mamam me demandèrent alors pourquoi je ne mangeais pas l'éboga. Je répondis que c'était un truc de fous. Ma mère me répondit par l'assertion contraire et elle me montra,alors,un petit paquet d'où elle retira de l'éboga et le manga. Elle me poussa à aller chez un ami,un Banzié,afin de lui demander de me faire manger l'éboga. Je fus alors initié pendant 3 jours et 3 nuits. Voici ce que je vis: - Je cheminais sur une route rouge et j'arrivai dans un village que je traversais. Il y avait plein de gens dans ce village qui pleuraient et se lamentaient. De chaque côté du village il y avait une colline avec une jolie maison sur chacune. Passé mon chemin,au-delà du village,je rejoignis une rivière. Trois femmes étaient en train de pêcher des os pour les déposer,à côté d'elles,sur la rive. Je traversai alors la rivière,en flottant. De l'autre côté il y avait une croisée de chemins avec trois routes:une route argentée,une route dorée,une route rouge. Au milieu se trouvait mon père. Il dit alors: - Tu vois où le pouvoir de l'éboga t'a fait venir? Je passai,alors,à travers ses jambes et je pris le chemin de la rote dorée. Celle-ci devenait de plus en plus brillante à mesure de mon avancée. J'arrivais ainsi à une autre croisée où se trouvait un otounga. Sous l'otounga le poulet que l'on avait sacrifié pour mon départ était en vie. En-delà de l'otounga un homme brillait sur une croix. Je le reconnus d'après ses portraits. C'était Eyène Zamé(un sauveur,celui qui voit Dieu et rapporte les paroles et les visions célèstes aux hommes). Je passai sous la croix pour arriver à une maison de verre sur une colline. C'était la maison de Nyingouane Mébégué(principe féminin du Cosmos). A l'intérieur de cette maison il y avait mon frère.Il était devenu secrétaire et était en train d'écrire,pour deux hommes tout de blanc revêtus,qui étaient assis,chacun,à une extrémité d'une longue table. Mon frère était en train d'écrire mon histoire et mon nom de banzié. Ensuite mon père d'éboga me rappella car il m'était interdit d'aller plus loin. 3.Visions de Monsieur Mendamé Nkogo(Ngadi),32 ans. Planteur de café,une femme,deux enfants. Districte d'Oyème,chapelle bouitie de Sougoudzape. Voici ce que vit M.Nkogo: - Je vis dans le miroir,que l'on avait placé en face de moi,une foule de Noirs qui s'approchaient. Tout à coup,ils se transformèrent en une foule d'hommes blancs. Je me retrouvai dans un jardin entourré par une foule de gens dont je ne connaissais pas la couleur. J'étais entouré de deux buissons d'éboga et de deux chapelles bouities. Ensuite je vis mon grand-père,de l'autre côté du jardin,dans une anfractuosité de pierre. Et je me vis lorsque j'étais enfant,assis entre ses jambes. Ensuite mon moi enfant se changea en une ngombi dont mon grand-père était en train de jouer. Depuis cette initiation,chaque fois que je joue de la ngombi je sais que c'est mon grand-père qui joue à travers moi. Ensuite mon grand-père s'éleva et me pris dans quelque chose qui ressemblait à un avion vers les pays en-delà. Il m'amena à Nyingouane Mébégé. C'était une femme magnifique à regarder. Aors mon grand-père me montra la ngombi et m'enjoignit de jouer.Chaque fois que je jouais cela me transportait vers un autre pays et c'était la route des banziés. Mon grand-père m'expliqua en détail la ngombi. A minuit la ngombi n'est pkus faite de bois car Nyingouane Mébégé rentre dedans et la harpe devient Nyingouane elle-même. Mon grand-père me dit de regarder le soleil. Il était éblouissant. Je vis un sentier menant à Eyène Zamé.Je frappai à la porte mais Eyène Zamé répondit que je ne pouvais pas entrer. C'était parce que j'avais la peau encore noire! Tous les morts ont la peau blanche. (Note du traducteur:on note,ici,l'intériorisation profonde du syndrôme du colonisé chez cet homme) Quand je mourrai je deviendrai blanc comme les Ntanganes. Mon père de l'éboga remarqua que j'avais déjà trop exploré le pays des ancêtres et il me fit revenir. Il me donna du sucre de cane à manger. Et,maintenant,chaque fois que je mange de l'éboga je vois ou j'écoute mon grand-père. Note: Je continue une traduction libre,et résumée(plus mes commentaires!)de Fernandez. Ces "récits de l'éboga" ne sont guère différents(sinon par leur contenu culturel)des expériences dites de "rêves conscients",expériences racontées par les moines tibétains,par exemple,dans leur livre concernant la mort. "Philosopher c'est apprendre à mourir" disait Montaigne. Apprendre à mourir,c'est vivre,dirais-je. C'est ce que nous apprend la sagesse de l'éboga,sagesse qui n'est jamais parvenue jusqu'au monde occidental ou extrême occidental puisque,de "toute évidence",les Africains n'étaient que des "Nègres primitifs",apparentés aux gorilles...aux dires des Colonisateurs soi-disant "supérieurs" qui nous ont pondu cette "merveille" qu'ils appellent la "mondialisation". Que peut-on apprendre d'un "pauvre Nègre"? Eh bien on peut apprendre les récits de l'éboga et quantité d'autres vérités enfouies par les marchands dans les ténèbres de l'ignorance et de l'oubli. La mondialisation et l'éboga ont beaucoup de rapports:la mondialisation est en train de tuer l'éboga,tous "les" "ébogas". Et nous rejoignons,ainsi,à travers cela,les portes du Futur car le Futur sera la Noosphère ou ne sera pas et l'éboga c'est une ouverture dans la porte du Futur. Les banziés du Gabon ont compris,sans le savoir,un grand nombre de choses que l'Occident commence,à peine,à découvrir...du moins certains,en Occident. Dans un siècle surréaliste qui a perdu la boussole et le sens des réalités,presque mourir,en vérité,en éboga ou en rêve conscient,c'est redécouvrir les valeurs fondamentales de l'humanité. Sous l'arbre aux palabres redécouvrons l'éboga que les Missionnaires essayèrent,semble t'il,de moucher comme une chandelle. Laissez les verroteries et les pacotilles du monde de fous concocté par les commerçants,cyniques,sans scrupules ni morale. Aux portes de la mort se trouvent les vrais vérités éternelles. Allons aux portes de la mort et du sépulchre découvrir la vie. Frères humains,allez à la rencontre de l'éboga car la vérité est aux portes de la mort... Comme disent les banziés:"de l'autre côté,il y a la CONSCIENCE". Maintenant comparons ces récits traditionnels assez stéréotypés et en relation avec la culture des Gabonais bouitis(sans doute grâce aux palabres des parents de l'éboga!)avec un morceau de récit d'une Française initiée(texte pris sur le site de A.Ramure): C'est fait.Mon assiette d'éboga est vide.Je suis obligée de m'appuyer sur les bras pour me maintenir en position assise.Bientôt,même soutenu,mon corps recommence à s'affaisser. On vient m'aider à m'allonger sur le côté gauche. Et là je sombre.Combien de temps? Je l'ignore.Ma conscience oscille d'abord entre l'état de veille et le plongeon dans le noir. Difficile de dire exactement comment,après,les choses se sont enchaînées.La chronologie est approximative.Je me souviens pourtant que tout a comencé dans...un dessin animé! Je me trouve dans une sorte de jardin aux fleurs énormes(note:macropsies oniriques typiques!).Je peux jouer avec ces fleurs,devenir moi-même fleur,transformer ce monde étrange et beau au gré de ma volonté.Puis un fondu enchaîné me fait passer dans un paysage différent où grouillent(note:typique des désatténuations:réitérations par activation métabolique de MHVs),littéralement,des formes animales.Têtes de renard ou de loup. Pourtant, je ne vois personne.Je traverse comme un avion des mondes inconnus. Mais cette fois,j'en ai la conviction,il ne s'agit plus d'hallucinations. (Note du traducteur:ce sont des rêves dits "conscients" dont le degré de réalité subjective est égal sinon supérieur au degré de réalité de notre exoréel quotidien) Ces mondes sont d'un autre ordre.Je comprends la sensation de" bascule",de tourbillon, la nature du tunnel et le déplacement de la conscience dans les différentes réalités(note:endoréalité,donc!). Arrivent alors sur moi,dans un "traveling" qui ne semble pas avoir de fin, des forêts de sapins verts, bruns et dorés(note:nous sommes loins de la forêt ombrophile africaine!).Des mondes autoluminescents, d'une beauté de légende.Je survole des espaces bâtis,totalement incongrus:des villes aux architectures diaphanes,aériennes, translucides, incomparablement plus belles que toutes les images de la science-fiction. (...) Dans un univers tout blanc, je me vois courir sur le pourtour de la planète Terre, courir à bout de souffle, le plus vite et le plus loin possible, éperdument.Une voix s'élève et me demande:"Où cours-tu donc si vite?Ne vois-tu pas que tu cours pour ne pas te retourner?Car si tu te retournais, tu sais bien ce qui se passerait, tu te prendrais Dieu, comme une porte, en pleine gueule!"Je vois alors, stylisé comme le reste, en traits noirs et fins sur le blanc, se dessiner la forme d'une porte et le mot Dieu s'inscrire au loin, dans le ciel, derrière elle, en lettres énormes.(...)Ce n'est pas qu'à ce niveau de réalité il n'y a plus rien, puisqu'il y a tout, mais un tout qui n'a plus rien d'humainement concevable, plus aucun sentiment humain,plus aucun sens humain.L'énergie créatrice et son antagoniste, la destructrice, paraissant se confondre. Dès son " retour ", l'initiateur chargé de superviser la cérémonie lui demande quel est son nkombo, c'est à dire l'information-clé, qu'elle est censée avoir rapporté de sa visite sur " l'autre rive " ; prouvant qu'elle est vraiment initiée. Evelyne-Sarah ne peut lui répondre car, malgré ses efforts pour retrouver trace du précieux sésame dans sa mémoire, elle ne se souvient d'aucun message précis. Son initiation ne pouvant être reconnue qu'après l'énonciation de son nkombo il lui faut repartir à sa recherche,et donc recommencer l'atroce mastication du bois sacré. Après une introspection terriblement éprouvante le signe apparaît enfin. Mais il est en dialecte fangue et elle n'en saisit pas le sens.Peu importe, l'initiateur d'Evelyne-Sarah comprend parfaitement ce dialecte et, reconnaissant " la signature de l'invisible ", validera son nkombo .Pour la jeune femme la découverte de celui-ci s'est traduite par une prise de conscience bouleversante : (...) Un coeur d'or massif apparaît.Et il en sort des sortes de flammes-rubans de couleur blanche sur lesquelles est écrit mon nkombo en lettres noires.Un grand calme se fait en moi. Je n'ai plus besoin de chercher.(...)Une sensation inconnue se manifeste au plexus solaire.Cela vibre.Une incroyable douceur est là, en moi. Je peux dialoguer avec elle... (...) Je comprends que cette douceur est de l'amour. De l'amour à l'état pur. J'ai trouvé la réponse. Bien,je retourne,maintenant,au texte de Fernandez. 4.Monsieur Ndongue Asséko(Onouane Misengué),22 ans,aide-chauffeur. M.Asséko s'occupe aussi de planter du café dans le village de son père,districte d'Oyème,chapelle bouitie de Kouacoume. Question: -Pourquoi avez-vous voulu être initié à l'éboga? Réponse: J'étais chrétien mais je n'ai trouvé aucune réponse à mes interrogations dans le Christianisme. Ce sont les Blancs qui nous ont apporté le Christianisme et la Bible. Le Christianisme c'est la religion des Blancs. Toutes les choses de leur religion nous les écoutons par les oreilles mais nous,les Fangues,nous n'apprenons pas de la sorte. Nous apprenons par les yeux et l'éboga c'est la religion qui nous permet de VOIR. Voici ce que je vis: - Après avoir mangé l'éboga je me trouvai transporté sur un long chemin qui se trouvait en pleine forêt. J'arrivai,alors,en face d'une barrière de fer noir,laquelle me bloquait le chemin. Incapable de traverser le chemin,je vis une foule de Noirs qui,eux aussi,ne pouvaient pas passer. Au loin,derrière la barrière,il faisait très clair et je pouvais distinguer une quantité de couleurs dans l'air;mais,la foule noire ne pouvait pas passer. Tout à coup,mon père descendit du ciel,sous la forme d'un oiseau.Il me donna alors mon nom d'éboga:Onouane Misengu. Grâce à lui je pus voler,avec lui,en-delà de la barrière de fer. (Note du traducteur:Dans les rêves ou les visions de l'éboga les barrières,etc,indiquent des problèmes psychologiques bloqués et non résolus) Comme nous volions,mon père changea de couleur.D'oiseau noir il devint un oiseau blanc. La couleur blanche apparut,d'abord,à la queue,puis s'étendit sur tout le plumage. Nous arrivâmes,alors,à une rivière couleur de sang. Au milieu de cette rivière il y avait un grand serpent de trois couleurs:bleu,rouge et noir. Nous passâmes au-dessus de ce serpent et,de l'autre côté de la berge,il y avait une foule de gens qui étaient tous en blanc(Blancs?). Nous continuâmes notre chemin,en passant à travers la foule,pendant qu'ils nous disaient des mots d'accueil. C'est alors que nous atteignîmes une autre rivière qui,elle,était toute blanche. Pour traverser ladite rivière il nous fut nécessaire d'utiliser une grande chaine d'or. De ce côté de la berge il n'y avait plus d'arbres mais seulement des pâturages. Sur le haut d'une colline il y avait une maison ronde fabriquée entièrement en verre. Dedans il y avait un homme. Les cheveux sur sa tête étaient ramassés comme le chapeau d'un évêque! Il avait une étoile sur sa poitrine mais,en m'approchant,je vis que cette étoile était son coeur en train de battre. Nous marchâmes autour de lui et nous vîmes,sur l'arrière de son cou,une croix rouge tatouée. Cet homme avait aussi une longue barbe. Regardant,ensuite,le ciel je vis une femme dans la lune.Une baïonette perçait son coeur et,de son coeur,un feu brillant sortait. Pendant que je contemplais cette vision je ressentis,alors,une douleur dans mon épaule. Mon père me dit qu'il était temps de retourner sur la terre.D'après lui j'avais voyagé assez loin et,me dit-il,"si tu vas plus loin tu ne rentreras plus sur tes pas". Nous verrons,plus tard,que toutes ces expériences oniriques induites par l'éboga se retrouvent avec un autre antagoniste des récepteurs à la NMDA,la kétamine. Claude